Nous voici devant L’Apothéose de Christophe Colomb de l’artiste Napoléon Bourassa. Avant de commencer la description, il est primordial de définir le sens que le mot apothéose a dans ce contexte-ci. Il s’agit de la déification d’un héros. Donc, Napoléon Bourassa élève Christophe Colomb au rang de Dieu en l’intronisant au Temple de l’Immortalité.
Comme c’est une très grande toile, quatre mètres et demi de hauteur et sept mètres et demi de largeur où l’on retrouve 69 personnages, il est important que je vous parle de l’artiste et de son style afin de bien contextualiser le message véhiculé par cette œuvre majestueuse et son créateur. 
Bourassa est né en 1827 à L’Acadie et c’est en 1916, chez son fils Henry, qu’il s’est éteint. L’Apothéose de Christophe Colomb est une immense huile sur toile inachevée. Quand on dit immense on parle ici de l’équivalent d’un pan de mur, littéralement. Le cadre, une simple lanière de bois, est fixé au plafond et au sol. Bourrassa a peint L’Apothéose de 1905 à 1912. C’est-à-dire qu’il avait 78 ans lorsqu’il a couché sur la toile cette création à laquelle il réfléchissait depuis longtemps : c’est en 1864 qu’il commence la première étude de sa fresque.
Soulignons que Bourassa est l’artiste canadien qui a le mieux incarné la peinture académique. L’art académique se fonde sur un apprentissage du métier qui exige l’absolue maîtrise du dessin d’après nature, du rendu du volume et de la perspective tridimensionnelle. La tradition académique s’ancre dans une vision philosophique de l’art comme quête de l’idéal. Ses techniques répondent aux exigences d’un art conçu comme représentation du vrai et du bien. Autrement dit, Bourrassa dépeint fidèlement le sujet de son ouvrage. Ainsi, durant l’exécution de L’Apothéose, Bourassa consulte les ouvrages biographiques et il recherche les portraits des personnages alors reconnus comme véridiques afin de les représenter tels que nous les connaissons. J’ai reconnu Wilfrid Laurier puisque le portrait de Bourrassa est identique à celui que j’ai vu pendant des années sur les billets de 10 $. Comme son canevas est énorme, il trace d’abord les contours des personnages au poncif. Qu’est-ce que le poncif me direz-vous, eh bien! c’est un procédé qui consiste à percer des petits trous rapprochés sur les lignes principales des personnages à peindre. La feuille ainsi trouée est alors appliquée à la surface de la toile et les endroits perforés sont frottés avec un tampon imprégné de craie laissant dans son sillage des lignes pointillées. Après avoir tracé les contours, Bourrassa appose les tons clairs, puis il ajoute les ombres en grisaille. Dans la plus pure tradition de la peinture académique, L’Apothéose est une œuvre monochrome, d’une seule couleur, grise, en différentes teintes. Comme mentionné plus tôt, elle regroupe 69 personnages, sur trois niveaux – supérieur, intermédiaire et inférieur.
Avant de poursuivre avec la description de l’œuvre, avez-vous des questions?
J’ai une confidence à vous faire, lors de ma première visite, j’ai été déstabilisée par cette œuvre. D’abord parce que je suis toute petite devant son immensité, mais principalement parce que je ne savais où poser le regard et que je ne reconnaissais que quelques-uns des nombreux personnages. En toute franchise, j’ai compris le message en effectuant la recherche qui a mené à cette description. Ce que tente de dire Bourassa est que la découverte de l’Amérique par Colomb est la suite logique de l’évolution des connaissances scientifiques et que sans son apport, le Canada ne serait pas ce qu’il est, une nation qui a engendré de grands hommes politiques et un colonialisme religieux jadis encensé. En d’autres mots, on retrouve au niveau supérieur les Grands Immortels qui ont précédé Colomb tandis qu’aux niveaux intermédiaire et inférieur, Bourassa a peint ceux qui ont succédé à Colomb.  
Dans un premier temps, je vais vous décrire le couronnement de Colomb puisque c’est la scène principale. Elle se déroule sur les dernières marches du temple, au niveau supérieur, au centre de la toile. On retrouve un jeune Colomb de profil qui domine l’ensemble de l’œuvre. Il n’est pas disproportionné par rapport aux autres personnages, il domine parce qu’il occupe le centre de l’œuvre et parce qu’on s’apprête à le couronner. Il supporte de la main droite les chaînes symbolisant sa déchéance : on oublie souvent que Colomb a été jugé, entre autres, pour vol, invasion et génocide. Ce jeune Colomb s’avance, gouverné par le Génie de la Marine, vers la Déesse de l’Immortalité, lui faisant face. La Déesse est entourée par des femmes qui personnifient la Religion et la Gloire. La main gauche de la Déesse s’élève et tend une couronne de laurier qu’elle dépose sur la tête de Colomb. Voilà pour la scène principale.
Laissez-moi vous parler de quelques-uns des personnages qui se retrouvent de part et d’autre du couronnement de notre héros. Toujours au niveau supérieur, vers la gauche, c’est la partie que Bourrassa a laissée inachevée. C’est-à-dire que seuls les contours des personnages ont été tracés. Bourassa y a dessiné, entre autres, Socrate, Haydn, Raphaël, Gutenberg et l’usurpateur de la gloire de Colomb, Amerigo Vespucci, que deux Génies empêchent d’atteindre le temple. Je vous rappelle que tout le reste de la toile est achevé. De l’autre côté de la scène principale, vers la droite, il y a, notamment, Galilée, Copernic et Plutarque.
Si vous avez des questions, je vous rappelle de ne pas hésiter à m’interrompre à tout moment.
Voici maintenant la description du niveau intermédiaire, d’abord la section de gauche, ensuite celle de droite. Au centre gauche de la toile, on aperçoit la Justice portant la balance et l’épée. À ses côtés, la Vérité tient son miroir. Regardant vers la gauche, toutes deux commandent à la Renommée et à la Vengeance, dont les jupes sont gonflées par leur empressement, de précipiter dans l’oubli les Ennemis du découvreur de l’Amérique. L’effroi des opposants de Colomb qui sont jetés dans l’abîme se manifeste dans la contorsion de leur corps. Revenons vers le centre droit où sont mises en scènes les Vertus américaines faisant dos à la Justice et à la Vérité. Représentées par des femmes dignes et sévères, elles sont assises de profil sur un banc : près de nous, la Patience montrant le frein qui fait sa notoriété, au centre du banc, la Force s’appuyant à une massue et, au fond, la Prudence tenant une lampe. Encore plus à droite, les grands hommes d’Amérique, dont Cartier, Champlain, Laval, Washington et La Fayette. Cachées dans ce groupe, trois représentations complètement anonymes et ténues de membres de Premières Nations.
Finalement, le niveau inférieur est consacré aux Défenseurs de la liberté civile canadienne : Mackenzie et Papineau, La Fontaine et Baldwin, et aux Fondateurs de la constitution : Cartier, George-Étienne et non pas Jacques, et Macdonald. Je dois souligner que ces personnages sont les seuls à ne pas avoir été peints de la tête aux pieds. Comme la toile prend appui au sol, ces personnages nous donnent l’impression qu’ils sortent du sol pour prendre la pose.
En guise de conclusion, je redonne la parole à Bourrassa pour qui L’Apothéose de Christophe Colomb est en quelque sorte « la progression indéfinie, à travers les siècles, de l’idée scientifique et religieuse du découvreur de l’Amérique ».
Est-ce que vous avez des questions? Que puis-je détailler de plus? 

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